Tout récemment, la Cour supérieure, sous la plume de l’honorable Jacques Blanchard, j.c.s, a rendu une rare décision en droit québécois en matière d’interprétation d’une police d’assurance pollution1.

Suivant une appréciation de la preuve présentée par les parties, le tribunal a conclu à l’inapplicabilité d’une police d’assurance « pollution et coûts de dépollution pour réservoirs d’entreposage » et a rejeté la demande introductive d’instance visant à faire assumer les « coûts de dépollution » du dépôt pétrolier de la Route 279 aux compagnies d’assurances défenderesses.

Les faits

En 1980, le demandeur Paquet & Fils ltée (Paquet), entreprise œuvrant dans le domaine de la distribution des produits pétroliers, a procédé à l’achat d’un dépôt pétrolier situé sur la Route 279, à Saint-Damien-de-Buckland. Les activités commerciales de Paquet entourant ce dépôt se poursuivent jusqu’en 2011, puis un démantèlement de l’équipement mettra fin à toute opération.

Après le démantèlement de l’équipement et conformément à la Loi sur la qualité de l’environnement2, Paquet procède à une évaluation et une caractérisation environnementales du dépôt pétrolier. Cette caractérisation révèle que les sols du dépôt pétrolier sont contaminés par de l’huile de chauffage et du diesel.

Devant ce constat de contamination, le demandeur transmet un avis de sinistre à ses assureurs afin que ceux-ci prennent en charge les « coûts de dépollution » en vertu d’une police d’assurance « pollution et coûts de dépollution pour réservoirs d’entreposage » (Police).

Aux termes d’une enquête quant à l’état des lieux, les assureurs nient couverture aux motifs qu’il ne serait pas démontré que i) l’« échappement » (ou la fuite) proviendrait d’un « système de réservoir d’entreposage » ni que ii) cette fuite se serait produite durant la « période d’assurance », conformément aux exigences prévues à la Garantie B de la Police.

Paquet dépose alors une demande en justice afin que les compagnies d’assurances défenderesses soient condamnées à assumer les coûts de décontamination des sols du dépôt pétrolier.

La police d’assurance

La Police comprend une date de rétroactivité au 31 décembre 2001, entre autres pour l’application de la Garantie B, qui se lit comme suit :

2. Garantie B — COÛTS DE DÉPOLLUTION

L’ASSUREUR paiera pour le compte de l’ASSURÉ les COÛTS DE DÉPOLLUTION que l’ASSURÉ devient légalement tenu de payer par suite d’un ÉCHAPPEMENT provenant d’un SYSTÈME DE RÉSERVOIR D’ENTREPOSAGE pourvu que l’ÉCHAPPEMENT ait été déclaré la première fois à ENCON par écrit pendant la PÉRIODE D’ASSURANCE ou pendant la PÉRIODE DE DÉCLARATION PROLONGÉE, le cas échéant. Les CONDITIONS POLLUANTES doivent avoir débuté à la date de rétroactivité indiquée à la rubrique 9 des Conditions particulières ou après cette date.

Les expertises

Paquet mandate un expert afin qu’il produise un rapport de caractérisation environnementale phase III visant à délimiter les zones contaminées et à vérifier s’il y a de la contamination à l’endroit où se situait l’ancien dépôt pétrolier. Dans son rapport, l’expert du demandeur identifie les zones contaminées, mais n’est pas en mesure d’identifier les sources de contamination.

L’expert des assureurs, mandaté pour déterminer les sources et la période de contamination de l’ancien dépôt pétrolier de la Route 279, conclut de son côté qu’on ne peut déterminer la source de la contamination et qu’il serait raisonnable de croire que la contamination est antérieure à 2001 compte tenu du fait qu’il y a eu des travaux sur les équipements de l’ancien dépôt pétrolier en 1997.

Position des parties

Paquet plaide que ses assureurs i) auraient manqué à leur devoir de bonne foi, de diligence et de compétence de la formation jusqu’à la conclusion du contrat, ii) auraient dû approfondir davantage l’enquête sur les lieux couverts, tant au moment de la formation du contrat d’assurance que pour justifier l’inapplicabilité de la Police et iii) n’ont pas respecté leur devoir de collaboration, de diligence et de transparence en n’exposant pas les réelles raisons du refus en réponse à l’avis de sinistre. Finalement, Paquet soutient avoir rencontré son fardeau de preuve en démontrant que l’« échappement » s’est produit en raison d’un « système de réservoir d’entreposage » et que prétendre que la contamination s’est produite avant 2001 reviendrait pour les assureurs à ne couvrir véritablement aucun risque puisque le site était déjà contaminé au moment où la Police est entrée en vigueur.

Les compagnies d’assurances défenderesses plaident pour leur part qu’elles seraient en droit de nier couverture puisque Paquet n’a pas réussi à démontrer, par prépondérance de preuve, i) l’existence d’un « échappement » au sens de la Police ii) ni la date de la contamination, ce qui ne permettrait pas de déclencher la Garantie B de la Police, de sorte que les « coûts de dépollution » en question ne sont pas couverts.

L’opinion de la Cour

Le tribunal rejette la demande introductive d’instance de Paquet et donne gain de cause aux assureurs.

Selon la Cour supérieure, le demandeur, qui en avait le fardeau, n’a pas réussi à établir que la source de la contamination correspondait à celle qui était couverte par la Police, car la Garantie B n’assure que la contamination résultant de l’« échappement » d’un « système de réservoir d’entreposage » et non celle résultant des opérations d’un dépôt pétrolier (activités humaines). En effet, les expertises au dossier ne permettent pas au tribunal de conclure que l’« échappement » ayant causé la contamination proviendrait d’une source visée par la Garantie B de la Police.

En outre, pour ce qui est de la date de la contamination, en l’absence de preuve permettant de déterminer le moment où les « conditions polluantes » se sont produites, la Cour ne peut conclure que les compagnies d’assurances défenderesses sont tenues au paiement des frais de dépollution. De surcroît, le tribunal rejette la proposition de Paquet selon laquelle les assureurs n’ont jamais réellement couvert le risque de pollution du dépôt pétrolier puisqu’il aurait été possible, après 2001, qu’un « système de réservoir d’entreposage » s’échappe et que la Garantie B de la Police trouve alors application, peu importe la contamination antérieure.

Quant à la prétention du demandeur selon laquelle les assureurs n’auraient pas collecté suffisamment d’informations sur le risque au moment de l’émission de la Police et qu’ils se seraient fiés simplement aux déclarations de Paquet, elle doit être rejetée, puisqu’il n’y a pas, en l’espèce, d’enjeu quant à la déclaration du risque, mais uniquement quant à l’interprétation des termes de la Police.

Finalement, le juge Blanchard ne peut conclure à la mauvaise foi des compagnies d’assurances défenderesses, car elles ont mis à la disposition de Paquet toutes les informations nécessaires afin qu’il puisse prouver que les conditions exigées à la Garantie B étaient remplies. En effet, le tribunal retient que les assureurs ont pris la peine d’informer Paquet, à la suite de la transmission de l’avis de sinistre en 2012, que la couverture d’assurance pourrait être problématique en l’absence d’une enquête confirmant la source d’« échappement » conformément à la Police.

De plus, les assureurs ont justifié leur refus de couverture en indiquant par écrit que ce refus était dû à l’absence de confirmation que l’« échappement » provenait du « système de réservoir d’entreposage » durant la période couverte. En fournissant ainsi toute l’information nécessaire à Paquet pour qu’il comprenne et ainsi tente de réfuter les motifs au soutien de leur négation de couverture, les compagnies d’assurances défenderesses n’ont pas fait preuve de mauvaise foi.

L’auteure désire remercier Catherine Gauthier, étudiante en droit, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.


Notes

1   Paquet & Fils ltée c Compagnie d’assurances Temple, 2019 QCCS 5111, décision rendue le 9 septembre 2019.

2   RLRQ c Q-2.



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