Introduction
A la suite des mesures exceptionnelles annoncées par le Président de la République compte tenu de l’épidémie de covid-19, la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a été promulguée (la « Loi d’Urgence »).
Par cette Loi d’Urgence, le Gouvernement a été habilité à prendre, par ordonnance, toutes mesures pouvant entrer en vigueur à compter du 12 mars 2020, et notamment celles :
« Permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises (…), dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ».
Les mesures de la Loi d’Urgence ont été détaillées par plusieurs ordonnances, notamment l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19 (l’ « Ordonnance »). L’Ordonnance a ensuite été précisée par un décret n°2020-378 en date du 31 mars 2020.
Il est à noter que, bien que l’Ordonnance soit immédiatement applicable, celle-ci pourra être modifiée lors de la prochaine loi de ratification. Toutefois les modifications de la loi de ratification sont généralement minimes.
Champ d’application de l’Ordonnance
Les mesures énoncées dans l’Ordonnance sont applicables:
- Aux personnes physiques et morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique et qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité (détaillé ci-après) ;
- Aux personnes poursuivant une activité dans le cadre d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire).
Les personnes désignées comme bénéficiant du fonds de solidarité sont les entreprises remplissant les conditions suivantes:
- Elles ont débuté leur activité avant le 1er février 2020 ;
- Elles n’ont pas déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ;
- Leur effectif est inférieur ou égal à dix salariés ;
- Le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d'euros ;
- Leur bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l'activité exercée, n'excède pas 60 000 euros au titre du dernier exercice clos ;
- Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet ou d'une pension de vieillesse et n'ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d'indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant supérieur à 800 euros ;
- Elles ne sont pas contrôlées par une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce ;
- Lorsqu'elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés aux 3°, 4° et 5° ;
- Elles n'étaient pas, au 31 décembre 2019, en difficulté au sens de l'article 2 du règlement (UE) n° 651/2014.
(Ci-après les « Entreprises Concernées »)
Défaut de paiement du loyer par les locataires
Pour les Entreprises Concernées
Nonobstant toute stipulation contractuelle, en cas de défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, les Entreprises Concernées ne peuvent encourir:
- De pénalités financières ;
- D’intérêts de retard ;
- De dommages-intérêts ;
- D’astreinte ;
- D’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ;
- D'activation des garanties ou cautions.
Ces dispositions sont applicables aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, actuellement prévue le 24 mai 2020.
Sauf cas de prorogation de la durée de l’état d’urgence sanitaire, lorsque le locataire est une Entreprise Concernée, les clauses susvisées pourront être mises en œuvre à compter du 25 juillet 2020.
Pour les personnes non comprises dans le champ d’application de l’Ordonnance
Selon l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, il est prévu indiqué que :
- Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.
- Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme.
- Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au premier alinéa.
Sauf cas de prorogation de la durée de l’état d’urgence sanitaire, actuellement annoncé jusqu’au 24 mai 2020, lorsque le locataire est une entreprise non comprise dans le champ d’application de l’Ordonnance, les stipulations contractuelles susvisées pourront être mises en œuvre à compter du 25 juin 2020.
En toute hypothèse, il est à noter que chaque locataire, défaillant dans l’exécution de son obligation de paiement, pourra également :
- demander au juge, compte tenu de sa situation et en considération des besoins du bailleur, de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux ans,
- faire l’objet d’une procédure collective, ayant pour effet de suspendre le paiement de ses dettes.
Justification du bénéfice de l’Ordonnance par les Entreprises Concernées
Les Entreprises Concernées justifient qu'elles remplissent les conditions pour bénéficier des dispositions de l’Ordonnance en produisant:
- une déclaration sur l'honneur attestant du respect des conditions prévues à l'article 1 du Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 et de l'exactitude des informations déclarées ainsi que l'absence de dette fiscale ou sociale impayée au 31 décembre 2019, à l'exception de celles bénéficiant d'un plan de règlement ;
- l’accusé-réception du dépôt de leur demande d'éligibilité au fonds de solidarité ou une copie du dépôt de la déclaration de cessation de paiements ou du jugement d'ouverture d'une procédure collective.
Pour les personnes poursuivant une activité dans le cadre d’une procédure collective, la justification serait une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure.