La Cour d’appel de l’Alberta a publié son opinion déclarant en termes non équivoques que la Loi sur l’évaluation d’impact (LEI) fédérale était inconstitutionnelle et constituait une menace existentielle pour le Canada et une tentative de démolition des droits constitutionnels et de l’économie.

La LEI est la législation de la Couronne fédérale relative aux impacts environnementaux, conçue de manière à régir les impacts de certaines activités concrètes. Elle régit également une multitude d’efforts sur les plans économiques, sociaux, culturels et patrimoniaux. L’Alberta, de concert avec la Saskatchewan, l’Ontario et plusieurs groupes d’intérêt public, a contesté la validité de la LEI.

La majorité des juges a conclu que le Parlement avait outrepassé son mandat constitutionnel. Bien qu’elle reconnût la légitimité des préoccupations environnementales et la valeur des évaluations d’impact, la majorité a jugé que ces facteurs ne justifiaient pas une intrusion dans les pouvoirs législatifs provinciaux.

La Constitution répartit des pouvoirs législatifs mutuellement exclusifs entre le Parlement et les provinces. L’« environnement » n’est pas un pouvoir législatif attribué exclusivement à l’un ou l’autre des gouvernements; il s’agit d’une compétence partagée. Par conséquent, lorsque l’un ou l’autre des gouvernements adopte des lois environnementales, il doit se fonder sur un pouvoir entrant dans sa compétence constitutionnelle. La cour a jugé que la LEI constituait un « [traduction] cas fatal d’excès fédéral ».

Positions des parties 

L’Alberta prétendait que la LEI est un « cheval de Troie ». Sous le prétexte de la compétence fédérale, la LEI régit des activités intraprovinciales d’une manière empiétant sur les pouvoirs législatifs provinciaux, dont l’exploitation des ressources naturelles ainsi que les travaux et entreprises d’une nature locale. Il en résulte dans les faits un droit de veto fédéral sur les activités intraprovinciales et l’exploitation des ressources.

Plusieurs intervenants soutenaient cette position. Certains affirmaient que la LEI enfreint les droits des autochtones et les droits issus de traités en limitant indûment leur capacité à utiliser leurs ressources et à représenter leurs peuples.

En réponse, le Canada a avancé que la LEI se concentre seulement sur les effets fédéraux défavorables des projets qui présentent le potentiel le plus élevé de tels effets. Le Canada a fait valoir que la LEI ne régit pas les projets intraprovinciaux. Cette loi évalue simplement si le projet a des effets entrant dans la compétence fédérale – comme des effets sur les poissons et leurs habitats, les espèces aquatiques ou les peuples autochtones. Elle régit ces effets. Toute interférence avec un projet est accessoire au contrôle des effets défavorables. 

Certains intervenants ont avancé que la LEI est constitutionnelle et ont enjoint la cour à tenir compte du fédéralisme coopératif – une approche selon laquelle les différentes autorités compétentes travaillent ensemble. Ils ont affirmé que la LEI est un outil préventif qui protège les composantes fédérales de l’environnement. Certains ont également soutenu que la LEI facilite la participation des autochtones aux évaluations et aux décisions fédérales à l’égard des droits ancestraux issus de traités.

La décision majoritaire

La majorité de la cour a appliqué une analyse en deux étapes de la division des pouvoirs. D’abord, l’objet de la LEI a été défini, puis il a été établi si cet objet entre dans un pouvoir fédéral ou empiète sur un pouvoir provincial.

Pour définir l’objet, la majorité a tenu compte de l’objectif et des effets de la LEI. La LEI permet au cabinet fédéral de désigner des projets intraprovinciaux en les incluant dans le Règlement sur les activités concrètes. Une fois qu’un projet est désigné, le gouvernement fédéral doit ensuite examiner tous les effets de celui-ci, même si les effets ne sont pas liés à un pouvoir législatif fédéral. Le cabinet peut imposer des conditions relativement à ces effets ou établir qu’un projet est contraire à l’intérêt public, même si les effets fédéraux défavorables ne sont pas importants.

La cour a indiqué qu’il s’agissait d’une « [traduction] suprématie stupéfiante de l’excès fédéral ». Si les tribunaux confirmaient la validité de la LEI, « [traduction] toutes les industries provinciales, presque tous les aspects de l’économie d’une province que le gouvernement fédéral décide d’inclure dans la LEI, ainsi que l’exploitation par une province de ses ressources naturelles, seraient assujettis à la réglementation fédérale, y compris à un droit de veto fédéral effectif. »

La majorité a conclu que lorsque la LEI est appliquée à des projets désignés intraprovinciaux, elle n’entre pas dans un pouvoir fédéral. Elle s’inscrit plutôt tout à fait dans les sphères de compétence constitutionnelles provinciales, y compris l’exploitation et la gestion des ressources naturelles, les droits à titre de propriétaires de terres publiques, l’administration des terres publiques, les travaux et entreprises d’une nature locale, la propriété et les droits civils, et les matières d’une nature locale ou privée dans la province. 

De l’avis de la majorité, la LEI centraliserait la gouvernance à un point tel que le pays cesserait d’être une véritable fédération.

L’opinion dissidente 

Dissidente, la juge Greckol a conclu que la LEI est valide sur le plan constitutionnel. La juge dissidente a mis de l’avant le fédéralisme coopératif et la présomption de constitutionnalité – c’est-à-dire que si la législation peut être interprétée comme étant constitutionnelle, cette interprétation devrait être présumée.

La juge Greckol a également souligné que certains projets comportent des aspects provinciaux et fédéraux et sont, par conséquent, assujettis à une évaluation par les deux paliers de gouvernement. Les évaluations fédérales peuvent porter sur le projet en entier, non seulement sur les aspects qui entrent dans la compétence fédérale. Et bien que les provinces disposent de pouvoirs législatifs sur les ressources naturelles, les projets visant des ressources naturelles ne sont pas à l’abri des évaluations fédérales.

Bien qu’elle reconnût que les décisions fédérales peuvent freiner un projet, la juge dissidente a rejeté l’argument de l’Alberta selon lequel il s’agit d’un droit de veto. À son avis, la LEI a pour effet de renforcer le contrôle fédéral des effets fédéraux défavorables et de faciliter la coopération entre les paliers gouvernementaux.

La suite?

Puisque cette opinion résulte d’un renvoi et n’est par conséquent pas contraignante pour le gouvernement fédéral, la LEI demeure en vigueur pour le moment. Le Canada continue de faire valoir que la LEI est constitutionnelle. Le Canada a également annoncé son intention de porter l’opinion en appel devant la Cour suprême du Canada. Nous continuerons de suivre les développements du droit dans ce domaine et d’en rendre compte.

L’auteur désire remercier Siobhan Quigg, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.



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